La Roseraie de Rosheim

La Roseraie de Rosheim

lundi 5 novembre 2012

Dans la forêt qui cachait l'arbre, tout restait à voir...

"Dans le brouillard qui entoure les arbres, les feuilles leur sont dérobées; qui déjà, décontenancées par une lente oxydation, et mortifiées par le retrait de la sève au profit des fleurs et fruits, depuis les grosses chaleurs d'août tenaient moins à eux.

Dans l'écorce des rigoles verticales se creusent par où l'humidité jusqu'au sol est conduite à se désintéresser des parties vivantes du tronc.


Les fleurs sont dispersées, les fruits sont déposés. Depuis le plus jeune âge, la résignation de leurs qualités vives et de parties de leur corps est devenue pour les arbres un exercice familier."


Francis Ponge,      Le Parti pris des choses, 1942


Amis, ce n'est pas à un voyage ordinaire que je vous invite maintenant. L'arbre, la forêt, occupent dans nos cœurs une place toute singulière et empreinte de mystère, de fées et de djinns. Aucune face de la nature n'est pareillement capable de nous faire rêver. L'arbre plus que tout autre végétal a une âme dont la perception a une place d'exception dans notre conscience, à tel point que le simple contact du tronc de l'arbre entouré de nos bras nous confère une sérénité particulière. Vous n'avez pas essayé ? Alors faites-le donc à la prochaine occasion, et vous connaîtrez sans doute un instant de paix rarement atteint.


Notre promenade cependant n'aura aucune trajectoire ésotérique, aucune divagation de l'esprit vers je ne sais quel "pouvoir" surnaturel que l'on attribuerait à cette masse imposante de carbone et d'eau enrichie de quelques sels minéraux. Tout au plus, et c'est déjà beaucoup, l'arbre revêt à mon sens un caractère spirituellement humain, dans lequel notre esprit aime à retrouver ses propres attitudes quotidiennes, fierté, tristesse, bonheur ou lassitude.


"O larges arbres dans mon âme qui s'est tue
Triste demeure de mon esprit
Vous venez à moi comme des voleurs
Vous restez dans mon corps
Et vous y faites trous et plaies

Arbres vous vivez au jeu de l'enfer

Vous ne gagnez de moi aucune indulgence

Tristes comme les piliers du ciel assombri

Et beaux comme la mort qui s'avancerait
Arbres vous venez maintenant dans la lumière
Vous gagnez un terrain sûr

Aujourd'hui les arbres m'entourent

Et c'est l'amour et c'est la vie que je vois en eux
Un espoir entre chaque tronc
Les yeux doux de l'écorce
Les longs cheveux qui fouettent la figure sont des branches
Triste complainte des illusions..."

Promesses pour l'Automne,    octobre 1960


Brutalement surgit la lumière entre les troncs austères



"Tu dresses les formes de la terre
au dernier jour
Monstres puissants de lumière
noire
Bras tout de muscles et de chair

Comme une forêt silencieuse

à jamais pétrifiée
Les troncs noirs de charbon mort
se dressent dans mon crâne"

Promesses pour l'Automne,

octobre 1960

















Mais l'approche de l'hiver incite la forêt à un grand dépouillement, d'autant plus que la tempête de  décembre 1999 laisse des traces aujourd'hui encore bien douloureuses



















Et puis soudain la saison avance, sur les forêts glacées du Queyras  s'étirent d'étranges volutes blanches, des panaches langoureux qui bientôt laisseront la place aux abondantes chutes de neige qui entraînent le monde dans une sphère de silence redoutable. C'est l'hiver.





L'arbre solitaire, même entouré d'une nuée d'arbrisseaux prometteurs, exprime sa désolation

Mais lentement la nature avance tout au long de cet immuable sentier des saisons que la folie des humains est en train de compromettre. L'arbre se prépare au printemps.

"Les gros troncs noirs sont un hymne à la vie
Dans un vaste pays dont j'ai la connaissance
Et les lumières répandent les cris étouffés
Entre chaque arbre courant sur la mousse trop humide
Les lumières donnent la vérité aux arbres
Le vrai sens de la forêt ce matin

Maintenant le brouillard m'entoure

Et le regard se perd vite dans la nuit qui revient
On sent la présence du soleil on ne le voit pas

Et le mystère de la forêt est pour toi impénétrable..."



Promesses pour l'Automne,    octobre 1960



Les arbres ne se ressemblent pas. Ils offrent au contraire une telle diversité que l'œil s'égare parfois dans leur multitude. Il y a les arbres asservis par l'homme, "esthétiques" selon ses goûts, totalement dénaturés

Et puis il y a les autres, fous, exaltant leurs passions, les vrais arbres de la nature 



L'arbre invite au voyage; suivez ce chemin au bout duquel la lumière vous attend, c'est le printemps

avec toutes ses promesses






C'est après avoir traversé une plaine brûlée de soleil que je les rencontre.

Ils ne demeurent pas au bord de la route, à cause du bruit. Ils habitent les champs incultes, sur une source connue des oiseaux seuls.


De loin ils semblent impénétrables. Dès que j'approche, leurs troncs se desserrent. Ils m'accueillent avec prudence. Je peux me reposer, me rafraîchir, mais je devine qu'ils m'observent et se défient.


Ils vivent en famille, les plus âgés au milieu, et les petits, ceux dont les premières feuilles viennent de naître, un peu partout, sans jamais s'écarter.


Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu'à la chute en poussière.


Ils se flattent de leurs longues branches pour s'assurer qu'ils sont tous là, comme les aveugles. Ils gesticulent de colère, si le vent s'essouffle à les déraciner. Mais entre eux aucune dispute. Ils ne murmurent que d'accord.


Je sens qu'ils doivent être ma vraie famille. J'oublierai vite l'autre. Ces arbres m'adopteront peu à peu, et pour le mériter, j'apprends ce qu'il faut savoir:


Je sais déjà regarder les nuages qui passent.


Je sais aussi rester en place.


Et je sais presque me taire.



Jules Renard:    Une Famille d'Arbres     Histoires naturelles   1886



















Il était une feuille

Il était une feuille avec ses lignes

Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur.
Il était un arbre au bout de la branche.
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur.
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l'arbre.
Racines vignes de vie
Vignes de chance
Vignes de cœur.
Au bout des racines il était la terre.
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.                                                    Robert Desnos   OEUVRES,   Gallimard collection Quarto nouvelle édition 1999






Je ne saurais dire s'il est une famille d'arbres que j'aime particulièrement, mais les oliviers, les chênes et les eucalyptus figurent parmi ceux que j'admire le plus. Pour leur façon d'envahir l'espace par leurs branches exubérantes et leurs nœuds tordus, par leur écorce qui tantôt est une carapace invincible, tantôt une mosaïque aux teintes douces 

                            





















Arbre, tu voyages au gré des vents et tu t'implantes dans les contrées les plus hostiles au milieu du désert. Ta présence réconforte le passant et donne vie là où personne ne l'espérait plus. 










Ici se situe l'origine de nos cultures, l'alfa du monothéisme. Au pied du Mont Sinaï, dans le monastère de Sainte-Catherine, cet arbre serait le descendant direct du Buisson ardent où la Sainte Parole fut révélée à Moïse, dans la nuit des temps.





Passé ce moment de stupeur, nous revenons sous des cieux plus familiers à la rencontre d'arbres et de forêts qui nous inspirent calme, sérénité et paix. Aux branches les plus tordues s'associent les formes les plus harmonieuses, la fierté des gigantesques cimes scrutant l'horizon et se perdant parfois dans un ciel éclatant. Mais si nous avons un impérieux besoin de ces présences puissantes à l'origine, ne l'oublions pas, d'une grande partie de l'oxygène que nous respirons, les arbres ont aussi besoin de notre présence respectueuse et discrète.

"- Tu m'entends ? C'est moi. C'est moi qui ai besoin de toi. Ne sois pas triste, je vais t'aider, moi aussi. Regarde-moi. Je cours, je joue, je suis le roi... On va partir ensemble, tu veux ? Au secours, poirier, s'il te plaît. Il faut qu'on sache qui je suis.

J'ignore d'où vient cette voix d'enfant, cette silhouette qui gambade en surimpression dans mon abri à bois. Ce n'est pas le petit Jacques, ce n'est pas le poète Mironte dans les jupons de sa mère; ça ne ressemble à aucun des gamins qui ont traversé ma vie...


- Tu m'entends ? Allez, viens me rejoindre, et tu comprendras."


Didier van Cauwelaert      "Le Journal intime d'un arbre"       Michel Lafon 2011



La promesse est tenue:





 





 

 










Enfin la saison avance et avec elle reviennent les couleurs de l'automne








Il est temps maintenant de prendre un peu de repos, amis, venez vous asseoir avec moi sur un banc afin d'écouter le silence relatif de la forêt, d'entendre sa respiration, sa vie grouillante de la multitude de petits peuples de toutes les formes, de toutes les couleurs.




La forêt est source de vie et nous devons la respecter. Ce voyage dans la nature, nous avons la chance de pouvoir le faire en toute sérénité. Tous n'ont pas cette chance. Ayez une pensée pour les enfants des 158 pays défavorisés dans lesquels œuvre l'UNICEF avec ses partenaires afin de leur venir en aide.

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