La Roseraie de Rosheim

La Roseraie de Rosheim

samedi 19 août 2017

GROENLAND – GREENLAND ?


Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ouvert mon blog, et encore plus longtemps que je ne l’ai pas alimenté. Oh ce n’est ni de la paresse, ni un manque d’imagination (quoique…), mais tenir un blog est dévoreur de temps, bâfreur d’énergie, dilapideur de souffle, alors j’avais pris quelques distances.

Mais vous me connaissez maintenant ; nous rentrons avec mon épouse d’un voyage qui est très vraisemblablement le plus beau voyage que nous ayons jamais entrepris, qui nous laisse un éblouissement et de petites étoiles qui scintillent devant nos yeux, un tendre souvenir d’avoir vu la nature vraie, une terre oubliée de la civilisation, juste habitée par des êtres d’une gentillesse exquise. Je n'avais donc de cesse que de vous faire partager cette inoubliable aventure.

http://www.nationsonline.org/maps/greenland_map.jpg
Les groenlandais, ou inuits, (mais ne les appelez pas "esquimos", terme qu'ils considèrent comme étant péjoratif, sans que l'on en connaisse la véritable étymologie), sont issus de différentes origines qui les apparentent aux populations arctiques du nord canadien jusqu'aux confins de la Sibérie. Les missionnaires danois ont apporté au début du XVIIIème siècle non seulement la religion chrétienne (réformée luthérienne) mais également des maladies inconnues jusqu’alors, dont deux épidémies de variole en 1733 et 1800, de l’alcool dont les inuits sont incapables d’assimilation faute d’une enzyme le transformant en sucre, ainsi qu’une sédentarité dont je ne suis pas sûr qu’elle soit adaptée au rythme de ces anciens nomades pêcheurs et chasseurs. Depuis que les groenlandais ont connaissance des modes de vie dans les pays industrialisés, ce pays tient le triste record mondial du plus grand nombre de suicides, y compris chez les jeunes enfants.

Le Groenland ne possède ni plantations, ni jardins, et quasiment les seules ressources alimentaires sont d'origine animale, poissons, mammifères marins dont les baleines et les phoques, quelques mammifères terrestres et les oiseaux avec leurs oeufs. Afin de palier au manque de vitamines que nous trouvons dans les végétaux, ils mangent la viande crue ou simplement séchée. Des préparations décrites dont nous ne ferons pas ici l'apologie ont provoqué la mort de certains explorateurs qui s'étaient risqués à en goûter !

La pêche et la chasse ont permis aux inuits d'inventer les moyens de les pratiquer, dont en particulier le kayak tel qu'il a été reconstitué au musée de Nuuk dans les images suivantes:
Musée de Nuuk

Un peuple qui, à de nombreuses époques ou cultures diverses, a occupé cette île continent depuis plus de 4 millénaires et est présent aujourd’hui avec une population d’environ 56 000 habitants (0,03 hab/km2 contre 98,8 hab/km2 en France). La superficie de l'île est de 2 186 086 km2, ce qui la rend près de 3,4 fois plus vaste que la France.

Le XIXème siècle voit naître des tentatives d’expéditions polaires, mais c’est depuis le début du XXème siècle que de nombreuses expéditions sont lancées à la conquête des grands espaces et du pôle nord, dans des conditions souvent effroyables. Vers 1936, Paul-Emile Victor et  ses compagnons jetteront les bases des « Expéditions Polaires Françaises » qui dès 1950 apporteront des connaissances significatives aussi bien climatiques que géographiques. 

Voici ce qui reste de la première cabane de l'expédition française:

A cette même époque, en pleine guerre froide, les américains aménagent une base forte à Thulé.

Le Groenland est recouvert d’une calotte glaciaire (ou inlandsis) qui occupe environ 85% de la surface de l’île, représentant quelque 2 millions de km3 de glace, soit environ 10% de l’eau douce présente en surface du globe. Mais nous devons rester très vigilants car la fonte de la calotte est impressionnante, et l’été 2017 ayant vu des températures totalement inédites (24° Celsius le 10 août à Nuuk), des incendies se sont propagés et continuent leurs ravages à l’heure où j’écris ces lignes. Le sol étant fréquemment composé d’une fine épaisseur de tourbe, leur propagation risque de se prolonger encore longtemps.

Ainsi nous nous sommes tout d'abord envolés jusqu’à Reykjavik, dont vous vous souvenez sans doute qu’il s’agit de la capitale de notre île préférée, l’Islande (voir dans ce blog les années 2011 août et 2014 août). Nous en avons profité pour rendre visite à nos collègues de l’UNICEF Islande, dont nous aimons à rappeler ces chiffres : en 2016, chaque islandais a fait un don moyen à l'UNICEF de 20,54 $ par personne, en quatrième position mondiale après la Norvège, la Suède et le Luxembourg, alors que chaque français s’est contenté de faire un don moyen de 1,21 $ par personne (vingtième position parmi les pays industrialisés). 

Mais nous retrouvons aussi avec bonheur ces rues animées et colorées d’une ville souriante aux rayons d’un soleil souvent rare. La visite du Harfa (salle des congrès et de concerts) est un grand moment d’émotion devant cet univers de verres colorés.





Puis nous sommes montés sur le Boréal, bateau de taille humaine, qui nous a offert un confort exceptionnel mais qui n’aurait pas été autant apprécié si nous n’avions pas compté parmi le personnel une équipe de jeunes naturalistes de très haut niveau, dont l’enthousiasme et les connaissances nous ont accompagnés tout au long du voyage.
l'au-revoir aux volcans islandais


La traversée de l’Islande au Groenland s’est faite dans une brume épaisse qui nous a empêchés de pénétrer dans le détroit Prince Christian Sund dont l’accès était bloqué par les icebergs. Nous avons donc contourné le Groenland par la côte et sommes arrivés à Narsaq sous un temps mitigé. 
La petite ville de quelque 2000 habitants est accueillante et une jeune maman est fière de nous montrer son enfant.

Un hôtel accueillant


                                                                                        
Le jour suivant se passe en mer au milieu de nombreuses baleines et nous remontons la côte jusqu'à Nuuk, capitale du Groenland qui compte environ 14 500 habitants dont quelques danois.

 

 


En fait, la ville offre peu d'attraits car elle s'est développée à très grande vitesse autour des années 60 avec une architecture particulièrement laide. Seule une toute petite "vieille ville" offre quelques avantages, dont un musée historique bien agencé.
 


Nous reviendrons sur la végétation du Groenland plus loin, mais observez bien la maison de gauche: elle possède le seul arbre que nous ayons vu durant notre voyage !
                                                  







Plus loin nous débarquons sur l'île de Kitsisarssuit dont le nom veut dire: "l'île aux chiens". L'île ne dispose ni d'eau courante, ni de station d'épuration. L'eau est obtenue par la fonte de la glace provenant des icebergs. Afin de venir en aide aux habitants, notre compagnie de navigation non seulement demande préalablement au chef du village si le débarquement de passagers est autorisé, mais donne une compensation financière pour l'aménagement des infrastructures.












L'étape suivante nous amène dans la baie de Disko et le glacier Eqip Sermia, monstre craquant et gémissant, déversant dans l'océan des montagnes de glace. Une rapide randonnée nous a permis d'admirer le paysage et d'apercevoir furtivement un lièvre arctique.



 

Le lièvre arctique (visible seulement en agrandissant l'image) se nourrit de petites plantes congelées !

Puis nous redescendons dans la baie de Disko et la ville d'Illulissat, dans cette région habitée depuis au moins 4 000 ans, aujourd'hui visitée annuellement par une dizaine de milliers de touristes. Il faut dire que le fjord de glace que nous pouvons observer au bout d'un chemin aménagé par l'UNESCO est un spectacle tout à fait unique au monde. L'énorme masse de glaciers se déplace depuis la calotte glaciaire vers la mer à la vitesse moyenne de 19 m par jour. Il nous a été possible d'observer le fjord par la montagne puis de nous rendre en bateau de pêche au pied des icebergs, dont certains avaient une hauteur de près de 100 m sur des longueurs kilométriques. De nombreuses baleines à bosse nous ont fait les honneurs de la visite !
     


Vous vous souvenez ? Il suffit de cliquer sur une photographie pour l'agrandir

Le jet d'eau provient du souffle de la baleine au travers de l'eau sur les deux évents (narines) placés sur son dos.



 


Hauteur estimée à une centaine de mètres, mais il ne faut pas oublier qu'environ 80 à 90% de la masse de l'iceberg est immergée ! 



 




La baleine à bosse, la plus courante dans cette région, est un mammifère pouvant atteindre une longueur de 13 à 14 m et un poids d'environ 20 à 25 tonnes.

Puis nous nous sommes rendus dans l'Evighedsfjord, point de départ des expéditions polaires de Paul-Emile Victor et de bien d'autres explorateurs. Malheureusement, nous avons été les témoins d'un début d'incendie comme relaté au début de ce texte. Mais ici pas de Canadair ni même de pompiers, pas de pluie non plus, il est donc à craindre que ces incendies soient loin d'être éteints. Des experts pensent que le feu couvant dans la tourbe dégage des poussières de carbone susceptibles de se déposer sur les glaces, les rendant ainsi moins réverbérantes aux rayons du soleil, ce qui pourrait en précipiter encore la fonte.








Malheureusement, et vous le savez aussi bien que nous, chaque chose a une fin, et la fin de notre fantastique voyage s'approche. A Kangerlussuaq se trouve l'unique aéroport intercontinental du Groenland, construit par les américains en 1941 et cédé partiellement aux groenlandais en 1950. Il y a bien une petite ville, mais dont l'économie tourne quasiment entièrement autour des activités aéroportuaires. Mais nous avons effectué encore une dernière sortie en... voyons, j'allais dire en bus mais ce n'était pas tout à fait le cas. Mais cela nous a permis de faire encore un dernier tour d'horizon sur la toundra, et d'apercevoir au loin, très loin, des boules noires qui nous ont été présentées comme des boeufs musqués.

Il faut une certaine dose de courage pour se promener dans ces véhicules avec ABS (ABSence d'aide au freinage ? mais non, c'est pour sourire ! La vigilance et la sécurité ont régné tout au long de la croisière)
N'oublions pas que les principaux moyens de locomotion hivernaux sont les traîneaux tirés par des chiens. Non, ici rien à voir avec nos fidèles compagnons; les chiens groenlandais sont pour beaucoup de races directement issues des loups, du reste ils n'aboient pas mais poussent des cris plutôt lancinants. L'été, ils sont laissés attachés dans des enclos et il est recommandé de ne pas trop s'en approcher. Nous pouvons nous indigner bien sûr. Ce serait oublier que les inuits ne pourraient pas survivre sans eux.
 

Observez les traîneaux au centre de l'image
Le Groenland est vraiment un endroit fascinant. Je voulais encore évoquer la flore: n'ayez crainte, je ne suis pas du tout naturaliste, mais seulement étonné par une telle diversité. Ici pas d'arbres, mais quand même des forêts ! et un grand nombre de variétés de fleurs proches de celles que nous connaissons mais adaptées aux conditions extrêmes. C'est ainsi que la floraison est extrêmement rapide, se produisant dès la fonte des neiges. 

Les arbres, souvent des bouleaux nains ou des saules arctiques, dépassent rarement 50 cm de hauteur, parfois beaucoup moins. Les racines se développent au niveau du sol et se confondent avec les branches sur lesquelles poussent les feuilles. Le sol de la toundra peut être qualifié de "arbustif" (voir "forêt" ci-dessous) ou de "herbeux". Y poussent alors de nombreuses plantes dont la plupart sont utilisées par les Inuits pour leurs vertus médicinales.





Une forêt de saules nains arctiques (hauteur moyenne une trentaine de cm)








 







Sans oublier quelques variétés de champignons comestibles et abondants

Voilà. Ici se termine cette évocation. Le Groenland est une île qui doit être préservée mais le sous-sol étant riche en minéraux divers, il est à craindre que des intérêts économiques fassent de gros dégâts dans un proche avenir. Sachez que la compagnie avec laquelle nous avons fait ce voyage apporte la plus grande vigilance au respect de l'environnement et des hommes. L'impact environnemental de notre voyage a ainsi été compensé par des actions concrètes. Notre rôle est maintenant de veiller à une meilleure connaissance de cette terre que nous quittons avec regret !

Nous n'avons pas voulu photographier des personnages dont les visages traduisent les difficiles conditions de vie, par respect pour eux. Nous n'oublions pas les enfants dont la scolarité, obligatoire de 6 à 15 ans, est rarement suivie d'études supérieures, faute de moyens aussi bien financiers que de possibilités de déplacements. Ces enfants et adolescents sont particulièrement fragiles du fait de la disparition de leur identité en tant que Inuits devant les informations massives qu'ils reçoivent du monde "extérieur", et nous devons les aider, comme nous devons venir en aide à tous les enfants sans exception, où qu'ils soient, ici et ailleurs.



 


A bientôt magnifique Groenland !





Une fois encore, je dédie cette page de blog, cette relation d'aventure à la recherche des origines du monde, d'une petite partie du monde qui a échappé aussi longtemps que possible aux ravages de la civilisation, à tous les enfants du monde à qui notre génération laissera la planète dans un état que nous ne savons pas encore qualifier. Peut-être cela ne sera-t-il pas aussi dramatique que les plus pessimistes d'entre nous se plaisent à le croire, peut-être cela sera pire que le pire des scénarii. Nul ne peut le savoir à l'heure actuelle, et je fais bien sûr partie de ceux pour qui l'actuel président des USA porte une énorme responsabilité par sa volonté obscurantiste de nier toute responsabilité des activités humaines dans les changements climatiques que nous subissons. Les enfants, chaque enfant, d'où qu'il soit, quel que soit son origine, son sexe ou sa religion, a des droits imprescriptibles. Il nous appartient à tous, à vous Madame, à vous aussi Monsieur, d'y veiller jalousement. L'UNICEF aide les enfants. Vous pouvez aider l'UNICEF, selon vos moyens.



A l'exception des trois dernières photographies aériennes prises par mon épouse, je précise que l'ensemble des photographies de cette page ont été prises par moi avec mon réflex Pentax K-5 objectif Pentax 16-50 1:2.8, accessoirement objectif Sigma 120-400 1:4,5-5,6 APO, puis mon nouveau SONY RX100 IV Zeiss 1,8-2,8 génial. Oui, c'est vrai, j'ai complété quelques vues avec mon smartphone Samsung Galaxy S7, d'excellente facture (dans tous les sens du terme !). Quelques retouches Lightroom 4.4 ont corrigé des fautes d'exposition. PhotoFiltre Studio X m'a permis d'effacer quelques personnages superflus, ce dont ils voudront bien me pardonner !


Les informations concernant les sciences de la vie, la géopolitique et les données historiques sont issues d'une part des contacts avec les naturalistes du Ponant, d'autre part tirées de l'excellent ouvrage "Groenland" des Guides de voyage Grand Nord aux éditions La Maison du Groenland, G.N.G.L., Paris www.gngl.com 

Vous pouvez agrandir et copier ces photographies libres de droit selon vos envies, mais si toutefois vous souhaitez en faire des copies sur un support public (dont Facebook), il est impératif d'en préciser l'origine.