La Roseraie de Rosheim

La Roseraie de Rosheim

lundi 27 avril 2015

IL

Un jour, il a été. Maintenant on dit de lui: il fut. Mais, s'il fut ceci ou cela, il le fut, réellement, entièrement, dans sa chair et dans son cœur, dans son esprit et jusque dans son âme, entièrement. Etre n'a pourtant jamais revêtu de réelle importance pour lui. Paraître non plus d'ailleurs, et même, c'était ce dont il avait le plus en horreur. Paraître n'est en rien une réalité prégnante, source de vie, promesse de destin, paraître n'est qu'un écran de fumée nauséabond et abject. Paraître est le miroir du vide, de l'abscons, de l'absence, de l'ignorance aussi. Paraître est la parodie pathétique de l'être qui ne peut plus être, qui ne veut plus être. Paraître n'a du reste aucun rapport avec être, ou si peu. Ce serait plutôt contradictoire. Aussitôt apparu, aussitôt disparu. Paraître, c'est l'antichambre de disparaître.
On dit qu'il fut car ce monde ne le connaît plus, ce monde a perdu son ombre, les traces de ses pas dans le sable, sa cascade de fragrances délicates portées par le vent, l'image de cette chimère s'éloignant de son passé ou de son futur (mais cela ne revient-t-il pas au même ?), ce monde nouveau auquel il s'est uni, transplanté, la plante de ses pieds soudés à une terre d'écueils, où nul ne peut se rendre sans perdre toute illusion de réalité. 
Terre à perdre haleine, les pieds enfouis dans la gaine des sillons éperdument parallèles. Il fut, mais sa présence demeure comme le pilier de toutes choses, la base du destin, l'origine de la vie aux confins de notre connaissance, la naissance du temps.
 
Du temps présent, mais parfois si peu présent. Il fut, car il fut la vie. Il fut cette vie d'éveil et de connaissance, la naissance du temps ou sa renaissance, l'origine de la pensée, la faim du monde dans l'exiguïté des ressources naturelles. Il fut sans doute ce que nous ne serons jamais. Peut-être jamais. Sauf si...
On dit de lui qu'il fut, alors que jamais il ne fit preuve d'autant de présence abstraite, subreptice, impalpable mais toujours présente comme une réalité indomptable à laquelle l'on ne peut se soustraire : il fut, mais il fut la vie. Il fut cette vie même dont nous surgissons tous, illuminés d'images et de consonances improbables, de sons virtuels profondément insinués en nos corps apaisés, musique irrationnelle de thérémine au cumul d'un arpége secrètement enfoui en nos cœurs. Et les sons s'élèvent en un abîme de particules éblouissantes de lumière diffuse, en arabesques scintillantes de bruine éperdue dans le ciel évanescent. Aurores boréales naissantes aux rêves de lumière et d'espace, harpe de lumière aux sons martelés par les cuivres surgissant des abîmes et des cordes arrachant les stridences incisives, il emplit l'espace de sa présence instrumentale. Il fut. Il fut ainsi. Il fut ainsi, toujours, comme il est, comme il sera. Comme il sera demain ou plus tard. Comme il sera toujours. Avec ou sans nous.



Il fut la vie même telle qu'elle mérite d'être, celle qui perdure tant qu'on y croit, qui surgit de partout à la fois dans une déraison salvatrice, une dérision sauvage, une folie électrique aux résonances multiples, à l'immense étendue d'ombre et de lumière sous-jacente, de dunes sans cesse renouvelées et trop souvent oubliées; alors il se perd soudain dans l'irrésonance, les sons discordants des instruments perdus dans l'embrouillamini de tessitures inaccessibles. 


Mais le vent persiste, se crée des passages de lumière et d'ombres mouvantes entre les feuilles rugissantes sous les rafales déchaînées brisant les faibles branches sans défense offertes aux furies destructrices. C'est la vie. Pas forcément celle dont nous voulons, mais c'est la vie.          
  

Et sa voix illuminera bientôt l'espace entre les montagnes et le ciel assombri, l'espace dilaté d'un ciel soudainement figé sous une cendre de lave et d'acier, du même feu d'où renaît à jamais le Phénix qui hurle son espoir déçu. Il a été mais il ne sera plus, il ne sera plus jamais le même; l'horloge des temps qui durent et s'enfoncent dans l'irréel masque grotesque de la vie, s'enfonçant dans la perte infinie, la nuit du temps révolu, le spectre du gris oublié, de la lumière enfuie, du temps passé. Du temps qui dure, malgré tout.

Et son ombre glissera entre les franges diamantines d'un horizon incertain, se déposera sur l'infinie rivière qui s'écoule entre les sons et leurs reflets irisés, rivière d'aventure imaginaire comme les vibrations des orgues oubliées depuis l'enfance du temps, depuis la naissance du temps, depuis la perception des sens. Cette ombre perturbera l'espace que parcourent les songes inlassablement reniés, les songes perdus, abandonnés aux vacances coupables, songes des espoirs à jamais oubliés, dans une longue oblitération des destinées incertaines.



Il ne sera plus jamais le même, mais il se reconnaîtra dans le plus sombre des silences de la terre, dans la roche nourricière de ses plus secrètes images praticoles, des animaux silencieux parcourant la vie d'un rythme accompli.

Il se reconnaîtra parce qu'il a été, et que son reflet se propagera à l'infini des roches musicales avoisinantes, que ses pas rebondiront dans l'arène des rives escarpées et des dunes, sourdines accueillantes des strophes apaisées. Il a été celui qui jamais ne sera oublié.

Ah, les photographies ! Et bien oui, elles sont toutes faites à partir de photographies que j'ai prises dans la nature, et arrangées avec Photoshop Elements 11. Oh je vois d'ici les critiques de certains, et je respecte naturellement le droit au rejet. Rassurez-vous, je reviendrai bientôt avec des évocations de voyages plus conventionnelles. Mais n'oubliez pas: vous pouvez agrandir ces photos en cliquant dessus, voire même les copier pour votre propre usage. Si vous les publiez, n'omettez surtout pas d'en indiquer l'origine.

Vous le savez, l'Unicef n'a jamais eu à faire face à un nombre aussi élevé d'urgences en tous genres: enfants et familles victimes de guerres ou de massacres terroristes, ou de séismes effroyables. L'Unicef aide les enfants et leurs familles, vous pouvez aider l'Unicef France en vous connectant sur    www.unicef.fr