Mais que connaissent donc beaucoup
de personnes sur Madère, en dehors de la sauce éponyme ? Même si cette
dernière accompagne délicieusement les rognons de veau (pour ma part je ne suis
pas amateur de rognons, mais la sauce, humm !), il n’en reste pas moins
que l’île de Madère offre une infinie variété de paysages et de couleurs, un
festival de gaîté et de gentillesse, de subtiles saveurs fruitées et une
explosion de fragrances fleuries.
Officiellement découverte
en 1419 par les marins João Gonçalves Zarco et Tristão Vaz Teixeira, tout
laisse croire cependant que l’île a servi de refuge à de nombreux marins bien avant cette
date car elle figurait sur des cartes depuis le milieu du XIVème siècle. Il
semblerait qu’une expédition maritime financée par le roi Alphonse IV en 1341
en ait apporté les premiers témoignages.
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Photographie d'époque: arrivée des premiers colons (document non contractuel) |
L’île était entièrement
recouverte d’arbres, pour la plupart des espèces natives de lauriers (on parle
de laurissilva), mais aussi de cèdres, d’eucalyptus et nombre d’espèces rares,
ainsi que de plantes et herbacées ayant évolué à l’abri des influences
extérieures depuis l’âge tertiaire, époque des premières éruptions volcaniques
qui ont formé l’île. Les premiers colons ont détruit une bonne partie de cette
forêt primitive par un incendie qui aurait duré sept ans et dégagé des espaces
propres à la culture. Mais en raison des fortes différences climatiques de l’île
qui varient d’une altitude à l’autre, ainsi que de sa localisation au nord ou
au sud, on y trouve une grande diversité qui va de la végétation subtropicale
en bord de mer à des forêts de hêtres, châtaigniers, acacias et bruyères sur
les hauts plateaux (1000 à 1300 m). La
canne à sucre a été introduite dès le début de la colonisation, et la culture
des bananiers, avocatiers, vigne et agrumes a suivi. L’eau est abondante à
Madère, mais très localisée, et il a fallu creuser à même la roche tout un
système de canalisations afin d’irriguer les terrains agricoles ; c’est
ainsi que sont nées les « levadas ».
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Lauriers natifs de Madère, plus que centenaires |
Si l’exploitation de la
canne à sucre a longtemps constitué la principale richesse de l’île, les
différents cépages importés d’Italie, de Chypre et de Crète (la Malvoisie), d’Espagne,
du Portugal (le Verdelho) et de Bourgogne (le Boal) ont rapidement donné aux
vins de Madère une réputation largement répandue dans toute l’Europe. Comme la
plupart des vins liquoreux, la spécificité du vin de Madère provient d’un arrêt
de la fermentation à un moment donné par l’ajout d’eau de vie suivi d’un
vieillissement dans des tonneaux placés
dans un endroit peu ventilé à des températures assez élevées. On raconte aussi
que certains tonneaux étaient chargés sur des bateaux à titre de ballast et
faisaient ainsi un aller-et-retour sur l’océan pour améliorer la qualité du vin ainsi ballotté. N'allez pas dire aux Madériens que vous n'utilisez leur vin que pour faire une sauce: rien n'est plus riche en arômes subtils qu'un bon Madère hors d'âge !
Le XIXème siècle a été
une période chaotique pour les habitants de Madère; l'île est alors occupée par les
britanniques voulant encercler les troupes de Napoléon qui avaient envahi le Portugal
en 1807. Mais à la suite de la défaite des français, les britanniques sont bien
restés sur l’île et ont commencé à exercer une mainmise quasi complète sur le
commerce, en particulier du vin. Se sont alors déclarées toute une série de
crises agricoles et sociales qui ont donné lieu à une émigration en masse de la
population au Brésil, aux Antilles, Surinam et bien d’autres destinations. Si
la population de l’île aujourd’hui compte quelque 270 000 âmes, on estime
à plus de 650 000 descendants de Madériens les populations émigrées.
Si Santa Cruz fut le
premier lieu d’accueil des populations insulaires, Funchal, aujourd’hui Chef-lieu
de la province, doit son nom au fenouil sauvage omniprésent lors du
débarquement des premiers habitants. Avec plus de 100 000 habitants elle
est de loin la principale agglomération.
Machico, 2ème ville de l'île, ne compte que
14 000 âmes. Très escarpée, Funchal s’étire sur les collines dominées
par Monte, où se trouve un jardin tropical de tout premier ordre, auquel on
peut accéder en funiculaire depuis le bord de mer. Les habitants sont d’une rare
gentillesse et la ville est particulièrement propre par rapport à de nombreuses
villes de l’Europe du sud. Le marché couvert (Mercado dos Lavradores) est le
lieu habituel où l’on peut admirer les légumes colorés ainsi que les poissons
fraîchement pêchés. En particulier, le sabre, poisson de grande profondeur (Madère étant entourée de fosses dépassant les - 4000 m), ou le thon
provenant de l’archipel des Açores.
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Le sabre, pêché à près de 3 km de fond |
Outre les services
maritimes, l’accès à Madère a été assuré de 1949 à 1956 au moyen d’hydravions
qui partaient de Southampton, faisaient escale à Lisbonne et amerrissaient dans
la baie de Funchal. Ce n’est qu’en 1964 que fut inauguré l’aéroport de Santa
Cruz à 16 km à l’est de Funchal. Longtemps uniquement accessible aux petits
porteurs en raison de sa courte piste, il a été agrandit en 2000 pour atteindre
2,8 km partiellement sur la mer et repose ainsi sur 180 pilotis.
La principale attraction de Madère réside dans son incroyable profusion de fleurs. Etape indispensable des marins venant du monde entier, l'île a hérité des fleurs les plus diverses qui se sont acclimatées facilement. Ne me demandez pas de les nommer toutes, pour mes yeux les fleurs n'ont pas besoin d'identité, il me suffit de les regarder. Bien sûr, vous reconnaîtrez un grand nombre d'orchidées, mais aussi de fleurs plus modestes mais si jolies, si belles. Ici je n'ai qu'un regret: celui de ne pas disposer d'un émetteur de parfums, afin de vous en faire profiter, les sens en ébullition. Alors, prêts ? Ouvrez la danse !
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Mais que voulez-vous donc ajouter ??? |
Madère est avant tout un archipel. Il y a Madère, bien sûr, puis l'île (très) touristique de Porto Santo et ses 9 km de plage de sable fin (non, il n'y a pas de plage sur l'île principale de Madère). Et puis, il y a de petites îles inhabitées, les Desertas, avec Deserta Grande, Chão et Bugio. Madère a connu une longue période de chasse à la baleine qui s'est terminée avec le moratoire international de 1986 (non ratifié par le Japon, la Norvège et l'Islande). Depuis, l'espace maritime entre ces îles est devenu une réserve naturelle qui abrite nombre de cétacés tels que baleines de Brydes, bien sûr, mais aussi dauphins et, plus rarement, une espèce réputée en voie de disparition mais qui semble se réinsérer, le phoque Moine.
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Le "capitaine" scrute l'horizon... |
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Mais que voulez-vous donc de plus ??? ici tout est dit... ou vu. |
Le trajet maritime jusqu'à ces zones nous fait passer devant ces roches si particulières issues des éruptions volcaniques. Or vous savez combien j'aime ce monde minéral si parlant, si riche en histoire sismique, érodé par le temps, mais toujours présent avec ses oxydes métalliques, ses reflets flamboyants ou ses morsures pathétiques dues à l'érosion.
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Chemin vers la légende inconnue... |
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Oui, ce sont bien des bombes volcaniques pétrifiées et sortant de leur gangue sous l'effet de l'érosion |
Mais notre visite de Madère ne serait pas complète (et elle ne le sera de toutes façons jamais, tant il y a de choses à voir), si l'on n'évoquait pas les "azulejos", ces mosaïques de faïence issues de tradition mauresque et répandues dans toute la péninsule ibérique et ses ex-colonies.
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Ces ceux-là ont plus d'un siècle de contemplation, saisies sur une vieille maison de Monte |
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Ces deux autres ornent l'entrée du Mercado (marché) |
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L'enfer... |
Ou encore, cette riche collection de portes peintes dont d'enorgueillit le vieux quartier des pêcheurs, autour de la chapelle du Corpo Santo:
Les maisons traditionnelles de l'île, inchangées semble-t-il depuis les débuts de la colonisation, se composent d'un bâtiment principal annexé d'un bâtiment secondaire comportant la cuisine: pourquoi ? je ne sais pas. Peut-être la crainte de l'incendie ? toujours est-il que, dans la campagne, l'on construit aujourd'hui encore des maisons plus modernes sur ce même concept.
Enfin, regardons librement ces dernières images dont la seule finalité est, bien sûr, de vous donner envie de découvrir cette île de calme, de paix, de douceur.
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Sur la Place de l'église de Ribeira Brava |
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La Cathédrale de Funchal (Se do Funchal) |
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La dentelle, entièrement cousue à la main, représente l'un des joyaux de la manufacture de Madère |
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L'eau possède un magnétisme qui attire tous les enfants du monde... |
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L'ancienne forteresse et ses pêcheurs aux couleurs harmonisées... |
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Le téléphérique qui mène à Monte |
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Eh non ! je ne vous dirai pas pourquoi j'ai inséré Don Dinis, (22 générations...) |
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Rencontres improbables au jardin tropical |
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Scène maritime à Porto Moniz, Bretagne de Madère |
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A Câmara de Lobos Winston Churchill aimait venir faire des aquarelles |
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Le vieux château transformé en musée |
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La quintinha Sån Jão, à recommander vivement ! |
Voilà, le voyage se termine ici. Ce fut notre quatrième visite à cette île pleine de charme, et probablement pas la dernière. Chaque fois que nous voulons prendre du recul, nous mettre à l'abri du stress de la vie courante, nous pensons que Madère est l'endroit idéal pour se ressourcer.
Ne l'oubliez pas: ces photos sont aussi les vôtres: il suffit de cliquer sur l'une d'elles et vous pouvez la recopier là où vous le souhaiterez. Il n'y a pas de copyright. Je vous demande seulement d'indiquer leur origine.
Amis lecteurs qui nous avez rejoints dans cette évocation, songez que tous nous baignons dans un monde privilégié. Pendant ce temps, des centaines de millions d'enfants par le monde manquent de tout; lorsque nous voyons couler une rivière paisible, nous devons savoir que ces enfants meurent prématurément car ils ne disposent que d'eau croupie. L'UNICEF les aide, aidez l'UNICEF selon vos possibilités.