Il était là, sur mon chemin. Lorsque je l’aperçus, je me demandais d’abord
ce dont il s’agissait, part vivante d’une chimère oubliée, obscur avatar d’une
étincelle divine ou révélation du monde du désenchantement final. Sur le sol
mouvant d’herbe sèche et de sable improbable, il se détachait comme un cri de
vérité sur une ombre flageolante, une ombre honteuse de n’être qu’une ombre,
ombre d’elle-même ou ombre portée, ombre cachée aux contours incertains.
Il était là sur le chemin. Ce chemin que je suivais depuis si longtemps,
depuis toujours, depuis la vie et bien après, ce chemin qui jamais ne variait,
mais qui allait loin, très loin au-delà de l’horizon, ce chemin que je suivais
sans cesse. Un jour il était là, sur le chemin.
Le chemin grimpait sur le flan de la montagne, contournait les pics et
traversait les vallées, serpentait entre les forêts sauvages qui exaltaient
leurs parfums d’eucalyptus et de lauriers et poursuivaient leur voie entre les
nuages et l’horizon indiscernable du ciel. La route était sans fin. La route
était une voie abstraite, à l’avenir inconnu, même improbable, et tout à fait
incertain. Mais c’était la voie, la seule qu’il fallait suivre, voie isolée,
solitaire, voie quand même dévoilée aux yeux des plus sagaces.
Il était là, sur le chemin.
J’avais franchi des milliers de pas, des dizaines de milliers de pas depuis
le début de mon itinérance. Sans doute des millions. Et jamais je ne l’avais
rencontré, jamais je ne l’avais vu. Mais alors : comment pouvais-je être
sûr qu’il s’agissait de lui ? Mais il était là.
Je le reconnus car il n’était pareil à nulle autre perception humaine, dépourvu
d’insignes révélateurs d’une valeur quelconque, revêtu de tissus épars aux
regards oubliés, laissé dans l’hypothèse de son destin unique. Il était là dans
une grande absence, dans un abandon des sens, une abstraction vivante, au
profil de seigneur de l’obscurité grandissante.
Dans sa pétrification soudaine, il s’éleva en une ombre sensuelle se
démultipliant, organisme scissipare occupant l’espace entier, et l’horizon même
abandonna la lutte, le monde était en sursis.
L’ESSENCE DES POÈTES
La route un jour sans personne
Sans rien
Sans maisons, sans arbres, sans herbes
La route seule où nous nous acheminons
Sans rien.
Fous ! tant qu’on voudra
C’est de marcher qui compte
Ce n’est pas le ciel, il ne peut que pleuvoir
Ce n’est pas à cause de tous ces humains
Qui nous regardent passer
Mais c’est passer qui compte.
Oh mes poètes, grands fous !
Que l’on vous traite de satrapes
Ou d’inégalables voyous
Mes poètes ! continuez votre chemin
Dans la nuit de tout
Et sans regard aux yeux humains
De l’horizon vous tirerez votre essence
A n’en plus pouvoir en écouter
Les augures qui vous auront prédit le doute
Ou la peur
Continuez votre route !
Votre feu n’est pas celui des infâmes
Et voici
Le poète est un grand explosif
Que l’on emploie devant l’obscurité
Il n’y a plus rien que des cailloux
Sur la face bombée d’un ciel hébété
Il n’y a plus rien que de la haine
Dans l’angle des bois obscurs
Il n’y a plus rien que du sang
Sous la semelle des poètes
Je repris ma route sans fin vers ce but que jamais je n’atteindrais, mais vers lequel tous mes sens me portaient. Je repris la route, suivant ce chemin serpentant au travers des espaces emplis de son ombre, et ses vibrations perpétuelles me suivaient dans toute la profondeur du ciel. Je marchais encore et toujours, alimentant mon parcours de phrases muettes et de pensées jaillissantes. Le tourbillon des couleurs formait devant mes yeux d’intenses espaces aux reflets flamboyants et au parfum de jasmin. Plus j’avançais et plus l’idée que sa présence était due à l’inconstance d’une nature exsangue s’imposait à mon esprit.
Le jour avançait et la nuit avançait. Des arbres aux branches décharnées
tentaient de m’arrêter dans ma fuite, le chemin s’effondrait sous chaque pas
accompli, à chaque foulée le sable s’enfonçait et retardait mon destin. Et
soudain, il fut là, sur le chemin.
AMALGAME
C’est précisément ce soir
Où tout paraît calme
Où tout paraît amalgame
Où tout s’entregamme dans la confusion du silence
C’est précisément lorsque l’absence d’un sujet
D’un objet pour croire manque
Où tout me manque
Où le ciel me manque comme la terre
(soit dit en passant indivisible)
Et le ciel cet invisible
Parcelle de l’univers ce mal entretenu
Trouve pour sauter hors des saisons d’acier
Un alliage fin et ton esprit nouveau
Amalgame ! Folie ! Folie !
Prise d’un mélange sans pareil
Dans le saint livre de ton corps
Amalgame de phonies ambigües
Ne saurais-je point tirer l’archet ?
Et puis je marchais tout au long de la route, je marchais sans limite, sans
haine non plus. Bien au contraire, l’espace autour de moi rayonnait comme une
musique infinie avec la douceur de longues notes qui s’échappaient du plus
profond de la montagne. C’est à un léger vent dans les arbres que je devais
cette illusion, et plus mes pas m’éloignaient du passé plus la musique
s’estompait comme des échos répétés sur les roches de granit qui me faisaient
une haie de part et d’autre de la route.
Longuement le chemin traversait les nuées et contournait les cimes, et la
terre et la nature égayaient le cheminement sans fin. Mais il était toujours
là.
Il était là, colonne de fumée opaque semblable aux hautes stalagmites d’une
terre inconnue, rampant sur le sol instable et s’élevant dans le ciel obscur,
couvrant progressivement l’horizon d’un voile continu. Inlassablement, je
poursuivais mon chemin.
LES ARBRES PLUS LOIN QUE NOUS
L’ombre, l’ombre de ma tête
Et cette pointe de folie
M’envahit la route lente
Où mes pas ne se comptent plus
L’ombre et puis le doute
Et je pense grande folie
L’extase superbe sans rênes
La route lente et puis le doute
Ah voir flamber cet arbre
Où toute joie s’enivre
D’une campagne plate et sans cris
Sans horizon au pied du mur
Voici l’heure où je dois oublier
Ces arbres plus jamais
Le soleil plus jamais et voici
Je suis moi-même horizon final
Au bord du chemin, sans autre repère que son ombre méconnaissable mais pourtant tellement présente, j’ai senti la douceur d’une pensée dépourvue d’amertume, d’un être ne sachant s’exprimer autrement que par métaphores approximatives et approches incertaines du langage. C’est alors que je crus reconnaître le principe caché qui dans cet état pouvait prétendre à réellement vivre ce qu’il était, ou plutôt ce qu’il croyait être. En réalité, l’être non incarné mais pourtant si présent n’en était pas un, mais plusieurs. Plusieurs, car une multitude de ses semblables, ou une démultiplication de lui-même, organisme scissipare ne l’ais-je pas déjà mentionné, occupait en cet instant l’univers tout entier. Ce faisant, je me sentais approcher de l’abîme, et l’appel de l’infinitude se fit plus radical.
LES FOUS
Ne sentant pas le froid qui passe
Dedans leurs manteaux fabuleux
Les fous traversent l’espace au milieu
De psalmodies informes. Énormes,
Leurs yeux sont de ceux qui pleurent
Qui crachent leur bonheur et s’endorment
Les fous passent dans les couloirs
Aux grands soirs célestes
Ils suivent toujours une image amie
Qu’ils suivent sans espoir…
Dehors leurs manteaux noirs passent et repassent
Dans la cour de neige et de squelettes
Des branches tordues et sèches
D’où tombent sur le sol gelé
Des oiseaux de pierre ne volant plus
Que du blé. Car le froid a tout mangé
Et les fous dans la gamme des heures attendent
Rêvant de brasiers étranges et de flammes
Rêvant de chambres et de larmes
Les fous suivent une image amie
Qui passe et s’éteint et qui trace
Dans leurs yeux nébuleux
De fastueux mirages de beauté
Il était là, sur le chemin. Et de son verbe hautement tenu il haranguait les foules absentes de plaintes et de lamentations, et puisait en leur source les dernières énergies de vie et de magie. Il émergeait de la brume, soulevait les coussins d’argile et de poussière, relevait les couvertures subtiles de rosées et d’air marin encouragé par les entrées nocturnes des frimas saisonniers.
Il était présent. Il était très présent. Peut-être même trop présent pour
les rares témoins de cette cérémonie aux coutumes abandonnées mais néanmoins
appréciées d’êtres depuis longtemps disparus, mais dont la présence
indissociable du moment obligeait à la retenue.
Il était toujours présent. Sur le chemin. Sur mon chemin. Sur le chemin qui
m’avait été attribué depuis toujours afin d’être ma route, celle dont je ne
devrais jamais bifurquer, celle qui me conduirait là où je devais me rendre.
Me rendre ? Mais je réfute cette façon inique de s’attribuer un objectif.
Me rendre à tel endroit, soit. Me rendre
tout court, me rendre à vos argumentations, certainement pas !
Mais me rendre où ce chemin me menait, je n’avais pas le choix. Je devais
m’y rendre, qu’elles que fussent mes conclusions.
Les photographies dont je certifie être l'unique auteur sont travaillées avec ADOBE Photoshop elements 11 à partir de photographies tirées de ma première contribution du 27 août 2011 sur la roseraie de Rosheim.
Vous le savez maintenant, j'attache la plus grande importance à la sauvegarde, dans tous les sens du terme, des enfants dans le monde. Le 20 novembre de cette année nous avons célébré le 25ème anniversaire de la signature de la CIDE, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. L'UNICEF aide les enfants. Vous, Madame et vous, Monsieur, vous pouvez aider l'UNICEF. Je vous en remercie.
Les photographies dont je certifie être l'unique auteur sont travaillées avec ADOBE Photoshop elements 11 à partir de photographies tirées de ma première contribution du 27 août 2011 sur la roseraie de Rosheim.
Vous le savez maintenant, j'attache la plus grande importance à la sauvegarde, dans tous les sens du terme, des enfants dans le monde. Le 20 novembre de cette année nous avons célébré le 25ème anniversaire de la signature de la CIDE, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. L'UNICEF aide les enfants. Vous, Madame et vous, Monsieur, vous pouvez aider l'UNICEF. Je vous en remercie.